Comment les CDP ont tiré leur épingle du jeu ?

Une CDP (Customer Data Platform, ou “Plateforme de données clients”) est une application où les données clients sont centralisées, réconciliées et unifiées afin de les rendre exploitables. Son objectif est d’obtenir une vision 360° des clients et prospects, afin de déterminer quelle sera la prochaine action marketing (ou relationnelle) à mettre en place.
Ces plateformes ont fait une entrée très remarquée dans les univers Adtech/Martech ces dernières années en bénéficiant d’une conjoncture favorable. Et de réels besoins des entreprises.

Tout commence avec un changement de paradigme

Historiquement, la plupart des campagnes de marketing digital reposaient sur des cookies tiers pour fonctionner efficacement. L’annonce de leur disparition a profondément métamorphosé l’offre et la demande du marché publicitaire.
Cette mesure phare a sonné le glas des DMP (Data Management Platform), utilisées jusqu’ici par de grands annonceurs pour le ciblage de leurs campagnes digitales, et marqué l’avènement des CDP. Ces dernières jouent désormais un rôle essentiel dans la construction de la relation client des entreprises.
La différence entre les DMP et les CDP
Les DMP s’appuient essentiellement sur des cookies tiers. Ce sont des outils phares des grands annonceurs destinés à améliorer leurs stratégies media. Les principaux cas d’usages étaient centrés sur l’acquisition de nouveaux clients et sur la réduction des coûts des campagnes publicitaires.
Les CDP permettent d’exploiter des données 1st party (propriétés de l’annonceur) et 2nd party (partagées par un partenaire) qui proviennent de sources online et offline. Cette base centralisée permet d’avoir une vision 360° des clients et donc de déployer de nombreux cas d’usages.
De plus, l’attrait des annonceurs pour les données 3rd party a fini par baisser en flèche :
  • à mesure que la législation s’est corsée sur la gestion des consentements
  • suite à la prise de conscience des marques sur le potentiel des données 1st party qui font aussi bien en terme de performance, si ce n’est mieux
  • avec les “walled gardens” mis en place par les principales régies publicitaires (biais de transparence sur le ciblage d’une audience qui est détenue par une régie publicitaire, ou dans la mesure d’une campagne)
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La connaissance client devient également moins facilement lisible :
  • à l’ère de l’omnicanalité, avec des retailers qui se retrouvent avec une démultiplication des points de contacts
  • avec les complexités liées au suivi de l’activité en ligne des clients
Les contraintes technologiques, d’opacité des acteurs du marché sur leurs données et les changements réglementaires ont achevé de convaincre les décideurs sur la nécessité d’accélérer sur une stratégie cookieless axée sur les données 1st Party.

Le fond de commerce des CDP a grimpé en flèche

Avec le changement de paradigme du marché et les nouveaux enjeux des annonceurs dans un monde cookieless, un boulevard s’est ouvert pour les CDP.
Les principales victimes de ce tournant furent bien évidemment les produits basés sur des technologies cookies. Beaucoup d’éditeurs ont souffert du changement de dynamique du marché et ont voulu rentabiliser leurs investissements sur les DMP. C’est pourquoi de nombreuses “CDP” du marché sont en fait des DMP qui ont été re-packagées. Celles-ci sont d’ailleurs toujours orientées sur des problématiques media, ne pouvant opérer une mue suffisamment profonde pour couvrir l’ensemble des besoins actuels des retailers.
D’autres acteurs issus du marketing automation ont fait de même, désireux de ne pas être remplacés par des CDP modernes et de rapprocher leur produit d’une approche plateforme. C’est également le cas de certains TMS (Tag Management System) du marché qui ont surfé sur la vague.
Cette petite introduction explique (en partie) le tournant du marché et la prise de conscience des annonceurs sur des chantiers laissés de côté depuis (trop) longtemps : la maitrise et l’exploitation de leur propre capital data.

Les Customer Data Platforms sont plus qu’un effet de mode

Les CDP sont bel et bien devenues une brique essentielle d’une stack data marketing complète. Elles sont particulièrement prisées des équipes métiers, notamment pour l’autonomie qu’elles confèrent côté data management. D’ailleurs, la plupart sont opérables sans avoir besoin de connaitre le SQL ou de maitriser le Python pour requêter le modèle de données (il en faudra toutefois pour l’intégration des données dans la plateforme).
Voici ci-dessous les principales fonctionnalités dont doivent disposer les équipes métiers pour délivrer leur stratégie :
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Sur cette chaine de valeur, une CDP peut remplir plusieurs rôles clés :
  • La plupart des CDP dites “legacy” (comprenez : les premières arrivées sur le marché, des pure players en règle générale) se sont spécialisées sur la centralisation des données, leur exploitation et l’orchestration des audiences constituées. Elles n’interviennent ni sur les contenus créés, ni sur les activations.
  • D’autres acteurs sont quant à eux experts de la partie Activation mais sont moins agiles sur les aspects liés au data management. Ils excellent dans une approche “composable” où le data warehouse joue un rôle prédominant pour centraliser les données et apporter une première couche de préparation des données. Ces CDP sont connectées en “streaming” au data warehouse (on parle de data virtualisation) afin d’exploiter facilement le modèle de données en place sans dupliquer les données dans la CDP. Demandez à votre DSI, ils seront certainement fans de cette approche.

Un projet CDP peut être un puissant booster pour rassembler différentes divisions qui travaillent parfois en silo

Un projet CDP peut être une excellente occasion de fédérer les équipes autour d’une vision commune qui pourra être délivrée grâce à cette plateforme. Une gouvernance doit toutefois être définie autour du projet (build) et de l’outil (run).
C’est un outil central, qui doit bénéficier à plusieurs divisions de l’entreprise :
  • aux équipes marketing, qui vont l’utiliser pour faire des campagnes personnalisées, gérer l’engagement et booster l’attachement à la marque
  • aux équipes digitales, pour qu’elles puissent gérer la personnalisation de l’expérience client sur les assets digitaux ainsi que l’acquisition de nouveaux clients dans une plateforme interfacée avec les plateformes ads, qui leur met à disposition l’ensemble des données 1st
  • aux équipes data, qui doivent avoir la main sur la solution et sur le modèle de données
  • aux équipes commerciales, qui vont mettre les “golden data” des prospects et clients connus à disposition de la force de vente pour les aider à convertir ou à gérer la relation (conseillers dans les centres d’appels, en magasin, etc)
  • aux équipes en charge de la connaissance client, afin qu’ils puissent produire des analyses poussées pour nourrir les prochaines campagnes
  • à la DSI enfin, qui après s’être occupé du cadrage de l’intégration de la CDP, gagne en temps et en flexibilité en conférant une autonomie sur la donnée marketing aux métiers
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Les CDP couvrent un large périmètre fonctionnel et détiennent un rôle technique majeur au sein du SI : elles doivent permettre de centraliser des données provenant de sources online et offline et de les réconcilier, pour constituer une base réunissant l’ensemble des interactions d’un client avec une marque. Elles aident donc à développer la connaissance client et à avoir une lecture complète du parcours. Puis elles permettent d’orchestrer la relation client et de personnaliser l’expérience délivrée.

Les Customer Data Platforms vont profondément changer le monde des Marketing Ops

Les CDP ont débarqué sur le marché avec énormément de promesses, basées essentiellement sur la maitrise et l’exploitation des données 1st party. Pour un retailer, la vocation d’une CDP est d’épouser des ambitions omnicanales.
Bien qu’elles n’ont pas vocation à être la base de vérité de l’entreprise, elles peuvent s’interfacer via des API avec la plupart des datawarehouse/datalakehouse pour en tirer des données clés et les exploiter.
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Le rôle de la CDP est d’orchestrer intelligemment la relation et l’expérience client, de façon personnalisée, grâce à une centralisation des interactions sur les différents points de contact et à un moteur décisionnel intégré, augmenté si possible par l’IA, qui aide à constituer des segments ultra fins et à déterminer les next best actions (NBA) et les next best offers (NBO).
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Certaines CDP vont jusqu’à mettre en place directement la relation client omnicanale, grâce à un studio créatif, un journey builder et des briques de marketing automation intégrés au sein de la plateforme pour le routage des campagnes. C’est donc un super argument pour rationaliser la stack d’outils de l’entreprise qui peut parfois être composé de nombreuses solutions.

Le marché des CDP est extrêmement dur à lire

Il existe plusieurs types de CDP. Celles-ci peuvent être créées en interne, à l’image des CDP in-house ou des composable CDP qui vont s’armer de best-of-breeds sur différentes verticales. Les CDP peuvent être également achetées “clé en main”, on parle alors de “packaged CDP” qui sont mises à disposition par des éditeurs spécialisés sur des modèles SaaS.
La bonne typologie de CDP à implémenter dépend de chaque entreprise et des besoins fonctionnels pour délivrer la stratégie business établie.
Voici les différents types de CDP :
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Enfin, chaque solution au sein d’une même catégorie dispose de caractéristiques qui lui sont propres.
Certaines CDP sont spécialisées sur une verticale de la chaine data marketing en particulier et excellent dessus, alors que d’autres présentent des caractéristiques plus généralistes. Il y en a également qui sont taillées pour gérer d’importants volumes, alors que d’autres conviennent plutôt à de plus petits acteurs. Et les coûts vont aussi du simple au double.
On parle d’une fourchette qui peut osciller, selon les solutions choisies, entre ~100K€ et ~2M€ (avec le coût du projet). Bien sûr, il faut prendre ces chiffres avec des pincettes : si la CDP choisie est suffisamment complète et qu’elle permet de supprimer des outils de la stack marketing avec lesquels il y a un recouvrement fonctionnel, des économies seront faites en parallèle (par exemple, la CDP intègre une brique de personnalisation pour le site web et l’app mobile : le métier va pouvoir résilier les outils de personnalisation qu’il a en place car ceux-ci s’interfaceront moins bien avec la CDP choisie et ne pourront pas avoir d’activation temps réel).
La plupart des CDP sont orientées et spécialisées sur l’une de ces 3 grandes verticales :
  • orientées data management, elles sont centrées sur la maitrise et l’exploitation des données 1st provenant de différentes sources (certaines disposent même d’un modèle de données schema-less, à l’image d’un ELT - Extract, Load and Transform)
  • orientées media (très souvent des DMP repackagées ou des reverse ETL), elles permettent de déployer facilement des cas d’usages d’acquisition et vont couvrir le besoin de réconciliation online/offline des marketeurs sans pour autant couvrir des cas d’usages CRM
  • orientées activation multicanales (voir omnicanales), ce sont des CDP qui intègrent des briques de marketing automation (voir même des studio crea, des journey builders et des canons de routage) pour pouvoir facilement délivrer des campagnes et personnaliser l’expérience client sur l’ensemble des leviers CRM & Media

Comment choisir la bonne plateforme ?

Un projet d’implémentation de CDP demande un cadrage rigoureux et parfois une alliance stratégique entre les différentes directions métier et la DSI. L’expression de besoin est cruciale pour déterminer le bon choix de plateforme. De plus, le choix d’une CDP doit s’inscrire dans une trajectoire globale, avec des jalons clairement définis.
Il est important d’être accompagné par une agence spécialisée (comme UnNest) pour ne pas engager trop d’efforts dans un projet délicat à délivrer, tant sur ce qui relève du build d’une CDP en interne que de l’intégration d’une solution externe (le fameux débat du Make or Buy).
Le choix d’une CDP doit contenter les besoins métier, donner de l’agilité à l’organisation globale et répondre aux besoins de rationalisation du SI par rapport aux nombreux outils Martech détenus par les équipes métiers. Une CDP doit faciliter les opérations quotidiennes liées au traitement des données.
Beaucoup d’entreprises sont allées vite en besogne et ont appris à leur dépens la complexité des projets CDP. Pour certaines d’entre elles, elles ont dû changer de solutions, après avoir dépensé des sommes (très) importantes. Le problème qui se pose souvent est le suivant : une direction X souhaite se doter d’une CDP pour couvrir ses besoins métiers et souhaite aller très vite dans le choix de l’outil qui est hyper urgent avec la disparition des cookies tiers. Elle fonce et n’embarque pas les autres divisions. Le projet capote puisque la solution retenue ne couvre qu’un périmètre restreint des besoins marketing de l’entreprise. L’entreprise ne souhaite pas avoir plusieurs CDP (ce qui est logique) et demande donc un alignement stratégique pour s’équiper d’un outil unique qui va également répondre aux challenges de la division Y. La CDP doit donc être abandonnée et la division X doit repartir en appel d’offres (cette fois avec la division Y).
Il faut donc impérativement lister l’ensemble des cas d’usages auxquels la CDP devra répondre. Il faut également indiquer les exigences techniques de la solution pour que ces cas d’usages puissent être efficients (exemple : le temps réel de la plateforme pour un cas d’usage d’activation).
Enfin, il faut valoriser le choix d’une CDP auprès du top management avec des arguments tangibles qui reposent sur une analyse de la valeur de ce type de projet. Plusieurs verticales peuvent être mises en avant :
  • la force de frappe de la solution qui va permettre d’améliorer les campagnes marketing et digitales (on observera l’évolution des principaux KPI des canaux)
  • l’augmentation de la lifetime value des clients grâce à une meilleure connaissance client et des actions plus pertinentes
  • les économies réalisées au sein du stack en supprimant certaines applications avec lesquelles il peut y avoir du recouvrement fonctionnel
  • l’agilité procurée par la CDP sur la maitrise de la donnée qui peut permettre de limiter la dépendance à des prestations techniques externes
Il faut considérer le projet de CDP à l’échelle du système d’informations : il s’agit d’une brique importante qui doit être complémentaire avec les autres. Une CDP ne peut pas systématiquement s’intégrer dans l’architecture existante, puisqu’elle risque de générer du recouvrement fonctionnel avec plusieurs applications. Il faut donc accepter le fait de reconsidérer la stack digital marketing dans son ensemble et sélectionner une plateforme qui va résoudre certaines lacunes de la stack en remplaçant certains outils par une suite intégrée.
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Très souvent, des solutions moins coûteuses qu’une CDP marché peuvent être mises en place pour délivrer les principaux cas d’usages souhaités par les équipes métiers, à moindre coûts. Un data warehouse augmenté par un reverse ETL (ex : DinMo ou Hightouch) va permettre d’orchestrer la donnée et de synchroniser des audiences avec des plateformes ads ou des outils de marketing automation.
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L’auteur : Nathan Benzineb, Lead de la BU CRM & Marketing Automation
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J’ai plusieurs années d’expérience chez l’annonceur et dans le monde du conseil. J’aide mes clients à :
  • améliorer leurs stratégies CRM et Media
  • déployer leurs projets
  • maitriser et exploiter leur capital data
  • choisir les bons outils digital marketing
Et j’interviens également comme manager de transition ou sur des besoins opérationnels.
En dehors de ça, je suis un grand fan de vin, de terroir (j’ai d’ailleurs récemment déménagé en Bourgogne) et de voyages.
✉️ Me contacter : nathan.benzineb@unnest.co